Genèse :
Et puis en plein projet théâtral, cette fois en dehors de mon pays, la Tunisie, survint la mort de mon père. Puis la fermeture des frontières, pour cause de pandémie et enfin confinement général. Tous les ingrédients d’un récit où l’intime se mêle au collectif ! Mais ce n’est pas de cette histoire-là dont il s’agit, plutôt de celle qui me taraudait déjà bien avant et pour laquelle j’ai reçu une langue en héritage. L’arabe, la langue de mon père. Comme le lampadaire qui casse et se met à éclairer la rue trois fois plus, les choses se sont mises à s’articuler doucement mais naturellement. D’abord la langue, puis le rapport au temps. Ecrire l’intime puis n’en garder que l’ossature. Au fond c’est une matière dans laquelle on puise mais qui n’en demeure pas moins remâchée. Un lieu m’est apparu, ensuite des personnages, dans un certain ordre. L’écho d’une voix, une voix lointaine, prépondérante, un narrateur, jeune et dégourdi : Bromsky.
Propriété de la langue :
Dans l’oralité de mon récit, j’ai trouvé à la fois mon outil, ma langue (inventer une sorte de dialectal tunisien est une façon pour moi de revisiter le parlé tunisien dans son oralité passée et présente) et un attachement, un renouement avec quelque chose que j’ai pourtant peu connu, peut-être plus imaginé. Ce dévoilement, malgré toute sa fragilité, me paraît juste, et correspond à mon urgence actuelle quant à l’écriture de mon histoire. C’est une quête extraordinaire, un voyage qui commence à peine, un temps qui me traverse, un cheminement curieux dans sa temporalité, une temporalité pétrie dans des espaces qui se confinent. L’heure est propice aux bouleversements. L’inconstance est-elle le remède des artistes ? Serait-ce un temps pur de création ?
Forms and Transmission :
A partir de cette étape, je souhaite à mon tour transmettre sous sa forme mutante et vivante, leur histoire, en essayant d'utiliser le moins d'artifice possible. Je n'appelle pas cela mon récit, car de cette écriture, de cette nature des choses, de cette situation extraordinaire, pour ainsi dire, est née la volonté d'engendrer une forme de partage polyphonique, incarnée par toutes les voix du narrateur, où la transmission orale prime. C'est la voix de Bromsky, puis la voix flottante et spectrale de la jeune Nadia, la mère symbolique. La voix féminine, celle de son amie qui s'est éloignée et qui reste dans son espace mémoire comme archétype féminin, à la fois sœur et mère, donne ici un souffle au récit et soulage la voix de mon personnage. Une sorte d'écho d'errance, comme l'est l'errance de mon personnage dans son quartier de Salombo.
Structure du récit et format :
Avec la structure du présent récit, dont sa langue, vient une idée de diffusion qui ne cesse de s’imposer à moi : c’est la radio diffusion ou l’audio diffusion. L’idée est de mettre en place l’enregistrement d’une seule voix, celle du conteur, dans le meilleur des scénarios en intégrant des bruitages et de la musique - en m’adaptant à la réalité du marché et du savoir-faire tunisien en ce domaine. Je m’apprête à relever un défi, faisant mienne la réalité d’une économie maigre mais inventive, celui de créer avec des moyens techniques riches par l’imagination et l’esprit d’initiative une esthétique propre à la forme de transmission, et finalement donner toute sa teneur et son épaisseur au récit, qu'il est tout à fait possible de fragmenter en épisodes de format court ou moyen.
Lien du projet :
https://www.youtube.com/watch?v=5UHnaTmds3A&ab_channel=KamelLazaarFounda...
https://www.youtube.com/watch?v=qPnZ3Udq6Iw&t=1s&ab_channel=KamelLazaarF...