L'une des subventions accordée en 2016 a largement porté ses fruits en 2017 avec la sortie du court métrage «Aya», réalisé par la plasticienne Moufida Fedhila, actuellement en tournée pour représenter son film dans de nombreux festivals. Nous avons parlé avec la cinéaste du parcours qui a permis la réalisation de ce bijou de narration cinématographique ...
Bien que fermement ancré dans son contexte tunisien, et inspiré par la vision nuancée de la réalisatrice sur les revers culturels enregistrés au cours des dernières années, ‘Aya’ n’en a pas moins une dimension universelle. L'histoire délicate d'une enfant, à la curiosité aiguisée, tentant de donner un sens aux contradictions de la religion, ne manquera pas de susciter l’intérêt de quiconque a déjà fait face à une avalanche de « pourquoi ».
"Pour moi l'enfance est une période primordiale, c’est celle pendant laquelle nous nous permettons de poser toutes sortes de questions sans avoir peur du jugement ; pendant mes études de philosophie, j’ai appris que nous ne pouvions pas entrer de plein pied dans ce Monde sans poser de questions. Le Monde qui nous entoure est lui-même une source d'inspiration qui nous pousse à réagir, à poser des questions et à exister. En tant qu’artiste, je suis en perpétuelle quête ; le but de l'art étant de nous révéler notre présent. "
Le présent décrit à travers 'Aya’, est un glissement lent vers un mode de vie moins laïque et plus conservateur vécu par la société tunisienne ces dernières années. Aya est une enfant de 6 ans, elle fréquente l'école coranique de son quartier où elle s’attire des ennuis à chaque fois qu’elle s’interroge sur la religion. Finalement, elle décide de prendre les choses en main, elle promet à Dieu d’être une enfant sage, en échange il doit l’aider à grandir plus vite, car comme lui a expliqué son père, à l’âge adulte elle aura le droit de porter un niqab qui lui permettra de rencontrer Dieu. Mais plus elle essaie, plus elle se sent ridicule et incomprise.
Alors que la blessure d’Aya prend forme, le film nous dépeint ce qui se passe dans son entourage, même si elle-même n'y prête pas attention. Nous assistons entre autre aux pressions que les dirigeants religieux locaux exercent sur la famille de la jeune fille et au combat de sa mère contre son propre rôle de femme subalterne et assujettie. Alors qu’Aya essaye de donner un sens à son monde, nous voyons sa mère commencer à résister aux règles strictes qui lui sont imposées, en matière de tenues vestimentaires et de comportement en public. En cherchant à protéger sa fille, la mère commence à rassembler des forces pour entamer sa propre libération et briser ses chaines.
Ce sont des sujets majeurs, que Moufida Fadhila sait traiter avec soin. "Je voulais créer une réponse poétique à une histoire politique à l’aide du seul media capable de véhiculer le poids dramatique de l'histoire et d’atteindre un large public, le cinéma", dit-elle, "je voulais remettre en question l'endoctrinement des enfants qui existe toujours en Tunisie, même si on a l'impression que ça n'existe plus. L'histoire de Aya est pertinente car elle pourrait avoir lieu n'importe où et à n'importe quelle époque. Mais le film montre aussi comment les enfants peuvent nous faire évoluer et nous pousser à voir les choses différemment. "
Le personnage de la jeune Aya symbolise en quelque sorte le type d’artiste que Moufida Fedhila souhaiterait être ; une artiste constamment en dialogue avec la situation sociopolitique actuelle de son pays, qui cherche à révéler les contradictions, à créer du sens à travers le questionnement constant et finalement à apporter des changements. Ou comme l’a exprimé le dit Moufida : "J'ai hâte de montrer le film dans les régions pour créer un dialogue avec le public. Je crois que l'art devrait être utilisé pour susciter le dialogue, confronter les idées et changer les attitudes. En Tunisie, nous sommes sur la bonne voie, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. "
Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de voir le film, nous vous le recommandons vivement. Quant à nous, nous sommes impatients de continuer à suivre le voyage d'Aya à travers tous les festivals internationaux.
Awards :
Golden Tanit for Best Short Film - Carthage film Festival
Audience Award for Best Fiction - Festival du Film Franco-arabe, Noisy-le-Sec
Sélection Officielles : Janvier et Février 2018
Clermont-Ferrand International Short Film Festival, France
Flickerfest International Short Film Festival, Australia
Maghreb, si loin, si proche, Argelès/mer, France
Regards sur le Cinéma du Monde, Normandie
Déjà diffusé dans les festivals suivants :
Carthage Film Festival_Official Competition, Tunisia
Rome MedFilm Festival, Italy
Festival Tous Courts, Aix-en-Province, France
Festival du Film Franco-arabe, Noisy-le-Sec, France
Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt, France
AFLAM, Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, France